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« Poubelles en Nord »,

ou la chasse aux invendus

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En France, on estime que près de 10 millions de tonnes de nourriture consommable sont jetées chaque année. Nous avons suivi « Poubelles en Nord », collectif lillois qui récupère les invendus des grandes surfaces.

C’est un vendredi soir plutôt maussade, au milieu du mois de janvier. Flore-Anne arrive en retard de quinze minutes. Le rendez-vous était prévu à 20h30 à Porte des postes. Près de la station essence ‘Total access’. Un groupe de trois personnes l’attend déjà. Ils sont des membres de « Poubelles en Nord », un collectif formé en janvier 2016, qui regroupe une cinquantaine de personnes sur la Métropole Lilloise. Ils sont tous des bénévoles animés par le désir de récupérer les invendus – pas encore périmés - des grandes surfaces. Ils s’appellent eux-mêmes les « glaneurs ». Toute la nourriture trouvée est transmise à d’autres associations, stockée dans un lieu ouvert au public ou utilisée par les membres du collectif. 

 

5 minutes encore pour choisir avec combien de voitures partir, s’il faut aller ensemble, ou plutôt se diviser par groupes. « Plus tard, quand elle aura terminé son travail, elle va nous rejoindre aussi Elodie », dit Flore-Anne. Finalement, le groupe de quatre part dans une même voiture. Au volant, Hélène, 55 ans, employée, est la plus experte. Cela fait 6 ans qu’elle ‘glane’ ici, dans les alentours de Lille. Elle avait cherché pendant longtemps un collectif comme celui-ci, pour faire de la récup’. C’est avec cette même exigence que chaque membre du collectif a démarré la recherche d’un lieu, d’une association, et d’autres personnes qui partageaient leur même engagement. « Au Canada, ils étaient vraiment bien organisés, c’est incroyable. Chaque supermarché nous mettait déjà à disposition tous les produits qu’on pouvait prendre », dit Mélanie, assise derrière, 35 ans, qui, de retour à Lille, avait cherché en France aussi une association engagée dans cette même lutte anti-gaspillage. À côté de Mélanie, il y a Rose, 35 ans, elle aussi arrivée à Lille pour son travail. Flore-Anne, 23 ans, étudiante à Roubaix, à côté de la conductrice, est la plus jeune du groupe, c’est elle la responsable de la récup’ ce soir. 

 

La voiture parcourt les rues du centre-ville, elle prend la bretelle et s’éloigne de Lille. « Où allons-nous ? », demande Hélène. Brève discussion. Le groupe choisit finalement de commencer par les fruits et les légumes. À l’O’tera du Sart, Villeneuve d’Ascq. « Il y a toujours des produits encore frais – se prononce Flore-Anne, enfin, – je voudrais bien commencer par-là ».

 

Arrivés à destination, ils garent la voiture à distance de sécurité du supermarché. « Il faut mieux ne pas se faire trop remarquer », considère Hélène. ‘Glaner’ c’est, en effet, en partie illégal. Ou plutôt, si l’acte en soi n’est pas illégal, l’intrusion dans une propriété privée est prohibée. « Parfois les grandes surfaces laissent leurs poubelles à l’extérieur, pour faciliter la récolte à nos glaneurs, dans d’autres cas ils les mettent à l’intérieur, parce qu’ils ne veulent pas qu’on découvre combien de gaspillage ils font », explique Mélanie. À O’tera, les poubelles se trouvent à l’intérieur du parking du supermarché. C’est avec circonspection que les membres du groupe s’approchent. Attentifs à ne pas passer sous l’œil indiscret des caméras de surveillance. 

 

Une mauvaise surprise les attend à l’arrivée : cette fois les caisses de fruits et de légumes ont été empilées les uns sur les autres. Difficile de les ouvrir alors que la pile fait plus de deux mètres d’altitude. Néanmoins, Flore-Anne choisir d’essayer l’escalade. « Ce serait vraiment dommage de tout gaspiller », à son avis. Arrivée au sommet, la jeune fille intrépide commence à faire sortir de la caisse des pommes, des oranges et des mandarines – tous encore en bon état – et les donne à Rose, qui – en bas –, sac à la main, est prête à tout recevoir. De son côté, Mélanie soutien Flore-Anne, pour l’empêcher de tomber.

 

Soudain, des bruits arrivent du portail. Il commence à s’ouvrir. Une voiture passe. Elle s’arrête. Flore-Anne continue sa récolte, mais Hélène, qui monte la garde, préfère ne pas prendre de risques. « On ne sait jamais, ça pourrait être rien ou ils pourraient être en train d’appeler la police ». Avec deux bons sacs bien remplis, le groupe s’éloigne du supermarché. De retour à la voiture, ils choisissent leur nouvelle étape : un carrefour à Marcq-en-Barœul. Le tour continue. 5 grandes surfaces. Entre-autres des boulangeries et des établissements dédiés à la restauration rapide. Vers 22h une autre voiture s’ajoute. C’est Elodie qui a terminé son travail. 

 

C’est vers minuit que le tour termine. Au moins 60 kilos ont été récolté. Les glaneurs peuvent désormais se dire satisfaits  de la soirée.   Le lendemain,   ce qui  a  été récupéré sera redistribué au Café des Enfants
« Les Potes en Ciel » à Lille Fives, qui organise – pour le mercredi d’après - un atelier anti-gaspillage alimentaire avec des produits de récup’.

Chiara De Martino

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